Difference between revisions of "Relational ontology, cybernetics and genetics"
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N'est-il pas temps pour nous, révolutionnaires, d'assumer qu'une révolution politique fondamentale n'est pas politique et encore moins militante ? Elle se doit de prendre ses racines et sa force dans la perception que nous avons du réel lui-même, et cela les cybernéticiens l'avaient bien compris. | N'est-il pas temps pour nous, révolutionnaires, d'assumer qu'une révolution politique fondamentale n'est pas politique et encore moins militante ? Elle se doit de prendre ses racines et sa force dans la perception que nous avons du réel lui-même, et cela les cybernéticiens l'avaient bien compris. | ||
− | Est-il raisonnable de penser que la cybernétique qui a amené la mesure à son | + | Est-il raisonnable de penser que la cybernétique qui a amené la mesure à son paroxysme (la gouvernance algorithmique) appelle en même temps à son dépassement ? Les êtres enfermés en occident depuis des siècles dans une ontologie de l'objet, isolés toujours un peu plus, semblent enfin libérés par une pensée systémique. Libres car considérés dans les interrelations qui les constituent et les traversent, ils restent à la merci exclusive de la mesure et de l'information, leur dernière prison. Une ontologie est avant tout performative et nous voyons les êtres prendre la forme du bocal. Ailleurs, ou à d’autres époques, des peuples vivent ou ont vécu la complexité de leur « ontologie relationnelle », nous pourrions peut être nous en inspirer. |
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Latest revision as of 14:41, 8 August 2018
TITLE (FR) | Comment penser une ontologie de la relation en échappant à la cybernétique : le cas de la génétique. |
TITLE (EN) | How can we think of an ontology of relations that is not based on cybernetics: the case of Genetics. |
AUTHOR | Jam + G. |
DAY: | day3 - Saturday - h16 -18 |
NEEDS: | translation EN-FR |
LANGUAGE: | Jam (FR EN), G. (FR) |
DURATION: | 2h |
DESCRIPTION (EN) |
How can we think of an ontology of relations that is not based on cybernetics: the case of Genetics.Summary
From as far as we can remember, political projections and fundamental directions taken by societies have depended on the perception that we have of ourselves, as humans (see M. Salhins). This perception has obviously been influenced by science: anthropology but also biology. In return, science is also influenced by the political context. The discipline of biology as we know it started in the 18th century, and has always been obsessed with classification, separation, compartimentation and measure (as in, collection of data and numbers). We suggest that "centering" is at the core of biology (anthropomorphism; notions such as species, individual, gene as primary entities; the idea of the genetic program or the DNA as the matrix of life) and on a vision of the organism as a machine (which makes us engineers of life). Genetics, the science of heredity, was born at the end of the 19th century. The weakness of its founding principles explains how its development has been so heavily influenced by the changing social, economical and political contexts. After WWII, the birth of cybernetics accompanies the discovery of the structure and role of the DNA. Schrodinger, in 1944, establishes the founding idea of modern biology with its principle of the macroscopic order of the organism explained by a microscopic order (when physics tries to explain a macroscopic order of matter by a microscopic disorder). From then on, cybernetics influence genetics, molecular biology and all life sciences heavily. For example, the language of genetics is directly inspired by the one of cybernetics: genetic code, information flow, signal, regulation, interactions and of course, the genetic program. Neurones are "organised in networks", the internet is a "neurosphere"... cybernetics, as the science of algorithmic government, is about to achieve the dream of the physiocrats, switching from material infrastructures to information infrastructures, concretising the complete merge of politics and economics. However, the past decade has witnessed very important "attacks" on the scientific paradigms of Modernity. We are witnessing an ontological revolution. The political implications at stake are fantastically important, and this is what we would like to talk about. The centrality of DNA, the notion of species, individual and genes at the core of biology, are being challenged. The essentialism of the genetic program is replaced by the notions of systemic interactions and modularity. We, as humans, are no longer considered an autonomous entity (our microbiote is given more and more significance everyday). The big divide Nature/Culture at the foundation of occidental thinking is crumbling down. In the recent years, a new discourse on the living has emerged, centered on the ideas of network, inter-relations, inter-connected organisms and continuum. At first these notions feel pertinent, joyful, and fitting with a certain idea of the relation and the communism that some of us share. However, it became clear to us that these notions are, if not determined, at least influenced by cybernetics and its embodiment in neoliberalism. Here is our task: how can we rethink what it means to be in relation with others (other worlds, other humans, other non-humans) without using the notions of cybernetics. To us, the epoch is one of decomposition and metamorphosis. The entities that have shaped our world, our ways of thinking and our perception of ourselves are being shaken up, recomposed, freeing up some space for new cosmologies. As revolutionaries, we think it is time to consider our fundamental revolution not as a political nor a militant one, but as one that is based and takes its strength from the very perception we have of the world(s), one thing that the cyberneticians understood too well. Should we simply rely on cybernetics, which has brought the ideology of "measure" to its climax, to bring about its own overcoming? Elsewhere, or at different times, groups of people live or have lived the complexity of their "relational ontology", maybe we could be inspired by them. |
DESCRIPTION (FR) |
Comment penser une ontologie de la relation en échappant à la cybernétique : le cas de la génétique.Voici la trame de l’introduction que nous proposerons afin de lancer la discussion Définitions temporaires:
On peut dire sans étonner personne que ce qui sera dépend de la perception que l'on se fait de ce qui est , autrement dit que les projections politiques d'une époque sont intimement liées à, et n'hésitent pas à aller puiser leur légitimité dans, la perception que l'homme se fait de lui-même ; ceci à travers l'anthropologie, comme l'a démontré Marschall Salhins, mais aussi à n'en pas douter à travers la rationalité scientifique développée en biologie, domaine qui nous intéresse ici. Il nous faut bien percevoir cette interaction comme un mouvement circulaire qui envisage les sciences comme travaillées en retour par le politique. La biologie naît avec l’État moderne à la toute fin du siècle des physiocrates et de la première révolution industrielle qui lui servent de matrices conceptuelles, au XVIII°. Elle est une science obsédée par la classification, le cloisonnement, la séparation, le détachement et le mesurable. Elle a reposé et repose toujours en grande partie sur une volonté de « centrement » (l’anthropomorphisme, les notions centrales d'espèce, d'individu ou de gène comme entité primaire de la biologie, ou l’idée du programme génétique et de l’ADN comme matrice du vivant) et sur une vision de l’organisme comme machine (une vision qui fait de nous des ingénieurs du vivant, et qui est héritée des thèse biologiques cartésiennes mécanistes du XVII° qui posent l’être vivant comme un automate). La génétique, en tant que science de l'hérédité, est née à la charnière du XIX° et du XX°, enchâssée entre le siècle du colonialisme, conceptuellement étayé par le triomphe des théories évolutionnistes en biologie comme en anthropologie, et l’eugénisme qu’elle produit. Dès sa naissance, elle repose sur des postulats dont la faiblesse conceptuelle peut en partie expliquer l’influence particulièrement forte des contextes politiques, sociaux et économiques sur son développement. Le milieu du XX°, quant à lui, voit la naissance simultanée de la cybernétique et la découverte de la structure en double hélice de l'ADN grâce au développement de la biologie moléculaire entamé dans la fin des années 30. En 1944, le physicien Schrödinger lance les bases de la biologie moderne avec son principe de l’ordre macroscopique de l’organisme vivant trouvant son origine dans un ordre microscopique (à l’opposé de la physique qui chercherait à expliquer l’ordre – ou du moins un non-désordre - macroscopique de la matière à partir de son désordre microscopique). Au travers de la génétique et de la biologie moléculaire, la cybernétique inonde la Biologie de ses représentations et discours tout en bouleversant ses fondements théoriques et ses axes de recherches. Par exemple, le langage de la génétique s’approprie complètement le langage cybernétique : découverte du code génétique ; le dogme central de la biologie moléculaire avec son flux d’information entre ADN, protéines et organisme ; interactions spécifiques entre protéines ; signal ; voie de signalisation cellulaire ; régulation ; et bien sûr, la notion de programme génétique (dernière incarnation de cet ordre microscopique censé expliquer l’ordre macroscopique des organismes). On parle de réseau de neurones chez l'individu de la même manière que l'on parle de réseau informatique et de neurosphère mondiale à propos d'internet. L'étau de la confusion se resserre. La cybernétique comme science de gouvernement algorithmique est en passe d'achever le rêve des physiocrates, passant des infrastructures matérielles aux infrastructures de l'information et réalisant ainsi la fusion définitive de l'économie et de la politique. Nous sommes désormais dans les années 2010, c'était à peine hier et voilà que les paradigmes scientifiques de la modernité commencent à s’effondrer ou plus exactement se recomposer après avoir atteint leurs paroxysmes. Ce qui existe change de nature ; une révolution ontologique se déroule sous nos yeux. Les enjeux politiques, toujours sous-jacents, sont énormes. C'est de cela dont nous voudrions parler ensemble. La centralité de l'ADN, que l'on peut voir comme la dernière icône de l'hylémorphisme, est battue en brèche par l'épigénétique, de même que la notion d'espèce, d'individu et de gène qui ont servi de colonne vertébrale à la Biologie pendant deux siècles. L'essentialisme qui s'exprime par un ordre préexistant dans l'ADN (le programme génétique) est remplacé par des interactions systémiques, modulaires, dynamiquement reconduites. L'Homme, lui même, perçu jusque là comme une entité autonome n'est plus ce qu'il croyait être. À l'intérieur de notre corps la quantité reconnue de bactéries différentes de nos cellules « propres » ne cesse de prendre de la signification. Le grand partage Nature/Culture à la base de la pensée occidentale qui fait de la nature un monde sans histoire, régit par des lois immuable, est laminé par une attaque simultanée de la Biologie et de l'anthropologie contemporaine. Il ne se passe pas un mois sans qu'une nouvelle publication à succès vante de nouvelles découvertes sur la pensée végétale ou animale. L'Homme n'est plus cet être à part, gardant jalousement le privilège de l'histoire sociale et de la pensée symbolique. Ces dernières années a émergé une certaine vision du vivant comme réseau, ensemble d'inter-relations, d'organismes interconnectés, de continuum. D'un premier abord, ces idées semblent pertinentes, joyeuses et correspondent à une certaine idée du lien et du communisme qui anime une partie d'entre nous. Pourtant, dans ces énoncés comme dans leurs implications, il apparaît très clairement, sinon un déterminisme, du moins une influence de la cybernétique et de son incarnation dans le néolibéralisme. « De la biologie moléculaire à la biologie systémique, on passe d'une ontologie substantielle à une ontologie relationnelle et, en terme d'économie morale, de la cité industrielle à la cité connexionniste par projet ». Voilà notre défi : comment échapper à la reformulation d'une pensée de la relation dans les termes du capitalisme cybernétique ? Pour la première fois en Occident les entités, qui ont été la base de nos perceptions, semblent se prêter à une métamorphose. Notre vision du monde après des siècles de décomposition méthodique en entités, systèmes et disciplines distinctes semble se recomposer de manière dynamique et libère ainsi la possibilité même d'un rapport cosmogonique que certains voudraient réduire à une science des enchevêtrements. N'est-il pas temps pour nous, révolutionnaires, d'assumer qu'une révolution politique fondamentale n'est pas politique et encore moins militante ? Elle se doit de prendre ses racines et sa force dans la perception que nous avons du réel lui-même, et cela les cybernéticiens l'avaient bien compris. Est-il raisonnable de penser que la cybernétique qui a amené la mesure à son paroxysme (la gouvernance algorithmique) appelle en même temps à son dépassement ? Les êtres enfermés en occident depuis des siècles dans une ontologie de l'objet, isolés toujours un peu plus, semblent enfin libérés par une pensée systémique. Libres car considérés dans les interrelations qui les constituent et les traversent, ils restent à la merci exclusive de la mesure et de l'information, leur dernière prison. Une ontologie est avant tout performative et nous voyons les êtres prendre la forme du bocal. Ailleurs, ou à d’autres époques, des peuples vivent ou ont vécu la complexité de leur « ontologie relationnelle », nous pourrions peut être nous en inspirer. |